Julie Kieffer

De cadence et d'amour 8200123


2023
Exposition réalisée en duo avec Lysa Duroux

Grés chamottés, faïences, filet, textile de cerf-volant, néoprène, plâtre, sangles, résine, loofah, chaînes, cuirs et série de pièces en bronze réalisée à la fonderie Battaglia à Milan en collaboration avec Studio Ganek.


Dans l’exposition De cadence et d’amour, Lisa Duroux et Julie Kieffer présentent une nouvelle installation rythmée par diverses chimères. Les figures - ou plutôt les corps - de créatures subaquatiques aussi séduisantes que les sirènes d’Homère et les carrosseries rutilantes du salon de la moto, glissent à la surface de l’espace. Selon les mythes, déployant leurs ailes synthétiques, elles se meuvent parmi les cerfs-volants, nagent aux côtés de l’homme poisson et du triton soufflant dans sa conque ou arpentent le paysage à grandes enjambées. Leurs chaussures, massives et grotesques, semblant sortir tout droit d’un roman d’anticipation, ne font qu’accentuer l’ambiguïté de la présence de mystérieux corps disloqués. Se donnant en spectacle sur différentes scènes, les silhouettes volatiles dessinent les contours de personnages queer fantomatiques, dont les mouvements ondoyants guident aussi bien le regard que les pas. Ici tout circule de manière imperceptible. Comme parcourus par un courant électrique, ancrés dans le sol et tendus vers le ciel, ces mutants immobiles pourraient se mettre à danser, à tournoyer autour de nous au rythme d’une musique électro silencieuse, comme dans un rituel chamanique, ou une fascinante parade nuptiale.

Ailleurs, assemblés sur des peaux, des fragments d’anatomie mythologique ou des protections de moto-cross révèlent paradoxalement et en négatif l’absence d’un corps unifié. Pourtant, éminemment charnelle, l’exposition s’avère être incarnée. Les êtres multiples et changeants, alanguis ou suspendus, sont traversés par un souffle de vie lointain, tant leurs matérialités, de la céramique au cuir vernis en passant par le bronze patiné, rappellent des techniques traditionnelles immuables. Les formes aussi racontent différents moments de l’histoire des arts, en Méditerranée, quelque part entre la Grèce et l’Italie, où la végétation est invasive et tentaculaire, où les colonnes ne soutiennent plus les toits des temples, où les coquillages sont des instruments de musique, et où les sirènes remplacent les cariatides.

Les images, odeurs et textures qui habitent les pensées de Lisa Duroux et Julie Kieffer font alliage pour devenir des œuvres hybrides, façonnées ou tissées, qui invoquent d'étranges pratiques marginales, le cyber-junk, la musique populaire et le nail art, tout autant que le jeu et la littérature fantastique de l’imaginaire. Narrative et fluide, l’exposition elle-même se métamorphose au gré d’assemblages surréalistes, de cadence et d’amour.

Leïla Couradin


Crédits photo : Jules Roeser

 

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